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Rapport PELLETIER : propositions pour une modernisation du statut des baux commerciaux

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Aucune des propositions ne tend à une remis en cause de l’un des fondements du statut des baux commerciaux (droit au renouvellement du bail, durée minimale de neuf ans, durée maximale du bail dérogatoire, principe de plafonnement du loyer renouvelé, indemnité d’éviction, droit de repentir du bailleur).

1. Dispositions générales

Le rapport propose en premier lieu de rappeler l’obligation d’immatriculation du commerçant ou de l’artisan au titre de tous ses établissements (proposition 1). L’immatriculation du preneur conditionne le bénéfice de la propriété commerciale, i.e. le droit au renouvellement du bail à l’échéance. Cette condition d’immatriculation s’apprécie au regard de l’établissement exploité dans les lieux loués. Ainsi, l’immatriculation de l’établissement principal ne permet pas de se prévaloir d’un droit au renouvellement du bail intéressant un établissement secondaire non immatriculé.

Le rapport propose ensuite d’affirmer, en cas de soumission conventionnelle au statut des baux commerciaux, la validité des clauses écartant des dispositifs d’ordre public de ce statut (proposition 2). Il semble résulter d’une décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation que la soumission volontaire au dispositif du décret de 1953 emporte application de l’ensemble du statut (extension plénière) sans possibilité de dérogations conventionnelles autres que celles intéressant des normes supplétives (A.P., 17 mai 2002).

Reste en tout état de cause, que pour être valable, l’application conventionnelle du statut des baux commerciaux ne doit pas faire échec à l’application d’un autre statut d’ordre public (bail d’habitation loi de 1989, baux professionnels…).
Sur ce point, le rapport propose d’autoriser les parties à un bail professionnel à déroger au régime fixé par l’article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 en se soumettant conventionnellement à l’ensemble des dispositions statutaires relatives aux baux commerciaux (proposition 3). Il y aurait alors une sorte de « passerelle vers le statut des baux commerciaux ».
A l’heure actuelle, s’il est admis que les parties à un bail professionnel peuvent opter conventionnellement pour le statut des baux commerciaux, cette option ne peut avoir pour effet de faire échec aux dispositions impératives de l’article 57 A. L’exercice de la faculté nouvelle ainsi conçue par le rapport pourrait donc autoriser une substitution parfaite du statut des baux commerciaux à celui des baux professionnels, étant souligné que dans cette hypothèse les parties ne pourraient écarter valablement aucune des dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux contrairement à ce qui pourrait être autorisé dans les autres cas de la soumission conventionnelle à ce statut, par la proposition 2.

2. Durée du bail

Actuellement, les parties peuvent conclure, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, un bail dérogatoire pour une durée maximale de 2 ans. A l’issue de la durée stipulée, fût-elle de quelques mois, si le locataire est laissé dans les lieux, il s’opère un nouveau bail soumis au statut (L. 145-5 C.com.). Il est suggéré par le rapport de clarifier la situation juridique des parties à l’issue de la période dérogatoire (proposition 6) en reprenant dans la loi les solutions dégagées sur ce point par la jurisprudence, telles que l’obligation pour le bailleur qui entend écarter l’application ultérieure du statut d’inviter le preneur à quitter les lieux avant l’expiration du bail dérogatoire ou la faculté pour le preneur qui a acquis le bénéfice du statut d’y renoncer de façon expresse et en toute connaissance de cause. Dans ces hypothèses, les parties retrouvent la possibilité de conclure, si elles le souhaitent, un nouveau bail dérogatoire d’une durée maximale de 2 ans.
Le rapport propose en outre d’assouplir le dispositif des baux dérogatoires en permettant la succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de la durée globale de 2 ans (proposition 5).

Par ailleurs, compte tenu de la confusion fréquente entre bail dérogatoire et convention d’occupation précaire, le rapport propose de codifier la définition jurisprudentielle de la convention d’occupation précaire, se caractérisant, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances précises et objectives (proposition 7).

Le rapport recommande de d’encourager, par un régime approprié de la taxe de publicité foncière, la conclusion des baux d’une durée supérieure à 12 ans (proposition 14). Selon le rapport, la solution idéale serait de ne plus soumettre à ces obligations de publicité que les baux de plus de 18 ans. Rappelons que les baux d’une durée supérieure à 9 ans ne sont pas soumis à la règle du plafonnement du loyer lors de leur renouvellement (L. 145-34 C.com.).

Le rapport préconise, s’agissant des immeubles à usage exclusif de bureaux, de permettre une libre durée des baux portant sur ces locaux (proposition 8). Cet assouplissement se situerait dans le prolongement de la solution applicable en matière de loyer (non application de la règle de plafonnement et fixation du loyer par référence aux prix pratiquée dans des locaux équivalents et non par référence à la valeur locative).

Le rapport recommande également de réputer non écrite la convention permettant à une seule des parties de prolonger le bail (proposition 9) et de permettre aux parties de convenir par avance de la durée du bail renouvelé, qui ne peut être inférieure à 9 ans (proposition 10).

Le rapport propose en outre d’encadrer la durée du préavis des congés entre 6 et 18 mois et de supprimer la référence au « terme d’usage » et aux « usages locaux » pour les remplacer par le principe du trimestre civil et par un délai unique de 6 mois (propositions 11 et 12). Ainsi, en cas de congé au cours de la tacite reconduction, ce congé devrait être donné pour le dernier jour du trimestre civil.

3. Loyer et indemnité d’éviction

En cas d’éviction, le rapport recommande de laisser au locataire un délai de 3 mois pour libérer les lieux (proposition 13). Ce délai commencerait à courir de la date du versement de l’indemnité entre les mains du locataire ou de la notification à celui-ci du versement de l’indemnité à un séquestre.

Le groupe de travail a rejeté l’idée d’une modification de l’expression « valeur locative » retenue par la loi pour la fixation des loyers renouvelés et révisés. En revanche, il estime nécessaire d’améliorer la connaissance des valeurs de référence utilisées. A cette fin, il suggère de faire annexer par l’expert à son rapport les documents justificatifs de ses références locatives (proposition 19) et recommande la création d’observatoires locaux des loyers commerciaux (proposition 18).
Par ailleurs, le groupe de travail recommande de créer un indice INSEE mesurant le coût de la location, plus adéquat que celui mesurant le coût de la construction (proposition 16).

Le rapport propose de supprimer le caractère d’ordre public de la révision triennale du loyer (proposition 15). Ayant relevé que les baux en cours sont très largement soumis à l’indexation conventionnelle du loyer et que les mécanismes de révision légale sont d’un usage à la fois complexe et peu fréquent, le groupe de travail convient de l’opportunité de permettre aux parties de déroger par convention expresse au principe de la révision légale du loyer.

En matière de loyer du bail renouvelé, le rapport propose de retenir comme motif d’évolution du loyer de renouvellement, en sus des éléments visés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le caractère manifestement surévalué ou sous-évalué du loyer du bail expiré (proposition 17). Cette proposition ne consisterait pas à fixer tout loyer de renouvellement à la valeur locative déterminée par les prix pratiquée dans le voisinage, elle n’intéresserait que les loyers que le jeu de la variation indiciaire conduirait à manifestement décaler de celle valeur, à la hausse comme à la baisse.
Le rapport recommande également de conférer un caractère exécutoire par provision au jugement fixant le montant du loyer du bail renouvelé (proposition 20).

4. Clauses et conditions du bail

Le rapport propose de codifier la solution jurisprudentielle selon laquelle est interdite la clause obligeant le preneur à tenir les lieux loués sous une enseigne déterminée, sauf le droit pour les parties de convenir des modalités de changement d’enseigne (proposition 22).

En outre, le rapport propose :

  • d’améliorer l’information du candidat locataire sur la nature et le montant des charges accessoires au loyer (proposition 23), cette amélioration visant à une meilleure transparence et prévisibilité des dépenses qui seront supportées par le futur locataire. Par contre, un encadrement de la liberté contractuelle présidant au partage des charges et travaux entre bailleur et locataire n’est pas apparu pertinent ;
  • moderniser la rédaction des articles 1754 et 1756 du code civil relatifs aux réparations et inciter à ce que les nouveaux baux s’y référent en lieu et place des articles 605 et 606 du code civil (proposition 25). Le rapport met en effet en lumière le manque de pertinence de la référence classique aux articles 605 et 606, pour distinguer les grosses et menues réparations de la chose louée en vue de les mettre à la charge de l’une ou l’autre partie, dans la mesure où ces textes concernent la répartition des dépenses entre nu-propriétaire et usufruitier. Une référence aux articles 1754 (réparations locatives ou de menu entretien) et 1756 (travaux incombant au bailleur), dont la rédaction serait revue en conséquence, serait plus appropriée ;
  • clarifier la définition de la chose louée de l’article 1723 du code civil, en proposant de poser le principe selon lequel la chose louée s’entend sans ses accessoires (proposition 26) ;
  • inciter les parties à stipuler un droit de préférence au profit du preneur en cas de vente du local commercial, et au profit du bailleur en cas de cession du fonds (proposition 28). Ce droit n’est pas à l’heure actuel prévu par le statut.


5. Reprise des logements vacants

Le rapport propose de permettre aux échéances triennale et lors du renouvellement, la reprise par le bailleur des logements vacants accessoires aux locaux commerciaux, en vue de leur réaffectation à l’habitation, si le preneur n’y a pas lui-même procédé dans les 6 mois de la notification (proposition 29). Le dispositif proposé prévoit des garanties tant pour le preneur (notamment possibilité de s’opposer à la reprise en démontrant que la privation de jouissance du logement apporterait un trouble grave à l’exploitation du fonds ou que les deux locaux forment un tout indivisible) que pour le bailleur (opération ne s’apparentant pas à une modification notable des éléments de la valeur locative).
Cette proposition a été consacrée par l’article 45 de la loi ENL.

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