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Documents à fournir par le bailleur pour prouver le caractère sérieux et légitime du motif de congé d’un bail d’habitation (loi de 1989)

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L’appréciation du caractère légitime et sérieux du motif allégué du congé est souverainement effectuée par les juges du fond au moment de la délivrance du congé (CA Versailles, 18 février 2000) étant à noter que des éléments postérieurs permettant de contrôler son caractère sérieux et légitime peuvent être pris en compte.

Sur ce point, on applique traditionnellement l’adage selon lequel la fraude ne se présume pas. Ainsi, il ressort d’un arrêt CA Paris, 18 mai 2000 (Loyers et Copropriété, 2001, n°7) que « le congé n’est frauduleux que s’il a été délivré dans le seul but de priver les locataires de leurs droits et si le motif pour lequel il a été délivré n’est pas concrétisé après le départ du locataire. »
Le principe est donc que le locataire ne peut contester le caractère sérieux et légitime du motif de congé qu’après son départ, si l’opération projeté par le bailleur ne se réalise pas. En ce sens CA Paris, 6e ch. B, 18 mai 2000, David c/ SA Gérance Générale foncière (Jurisdata n°114053) : « Considérant que le congé a été donné pour des motifs qui sont, en eux-mêmes, légitimes et sérieux, le juge ayant seulement pour mission de vérifier la réalité du motif et le locataire pouvant exercer une action en cause de faute ultérieurement avérée. »

En application du principe selon lequel la fraude ne se présume pas, « il n’est nullement imposé par les textes au bailleur de décrire en détail dans le congé les travaux projetés, pas plus que le cadre technique précis dans lequel ils se situent. Que la seule obligation qui pèse sur le bailleur est d’être en mesure de prouver son intention réelle d’exécuter les travaux et de permettre d’en apprécier l’ampleur et la portée. » (CA Versailles, 24 février 2004).
La fraude ne se présumant pas, il incombe donc au preneur qui, recevant un congé, conteste la réalité de l’intention du bailleur, de rapporter la preuve de la mauvaise foi de celui-ci. Le bailleur, quant à lui, n’est pas tenu de rapporter a priori la preuve de l’absence de fraude de son projet, il doit uniquement être en mesure d’apporter les éléments permettant de prouver son intention réelle, en cas de contestation de la validité du congé (pour une analogie aux solutions en matière de congé pour vendre, voir Cass. 3ème Civ. 14 juin 2006, n°05-12.559 : AJDI, 10/2006, p.740).

La jurisprudence exige donc seulement du bailleur, à la date de délivrance du congé, qu’il rapporte la preuve de la « réalité de son intention de réaliser le projet immobilier » motif du congé (CA Paris, 1re ch. B, 18 mai 2000), la preuve de la réalité de cette intention devant résulter de « documents suffisamment précis pour attester du caractère sérieux du motif allégué » (CA Versailles, 1re ch., 2e section, 18 mai 2004, n° 2003-00284).
L’appréciation de la réalité de cette intention est une question de fait laissée au pouvoir souverain des juges du fond. Les décisions qui valident les congés pour reconstruction, réhabilitation ou reprise pour travaux s’assurent du caractère réel et sérieux du motif, en vérifiant au travers des différents éléments produits par le bailleur que l’intention de reconstruire / réhabiliter n’est pas à l’état d’un simple projet vague.

Une telle preuve est rapportée, en premier lieu, dès lors que le bailleur établit la preuve de démarches administratives, notamment le fait qu’il a déposé, à la date du congé, une demande de permis de démolir (CA Versailles, 1re ch., 12 juin 1996 : Loyers et copropriété, 1999, comm. n° 87). Tel est le cas également, dès lors que le bailleur a fait établir un devis faisant état de la démolition et d’importants travaux, a produit des attestations de locataires et la communication de la matrice informatique du 5e étage de l’immeuble par son géomètre à l’architecte du preneur (CA Versailles, 1re ch., 2e section, 18 mai 2004). Le devis produit par le bailleur « ne saurait être remis en cause au seul prétexte qu’il n’est antérieur que de huit jours à la délivrance du congé ».
Tel est le cas également lorsque le bailleur justifie de démarches administratives et d’un programme de travaux précis (CA Rennes, 4e ch., 24 février 2000) ou d’un mémoire descriptif de réhabilitation, quand bien même le bailleur ne justifiait pas des autorisations administratives pour la réalisation des travaux (CA Paris, 6e ch., 18 mai 2000). Dans cette dernière espèce cependant, la restructuration était destinée à permettre le logement de personnels EDF, ce qui constitue en lui-même un motif légitime et sérieux de congé.

Au contraire, le bailleur ne rapporte pas la preuve de la réalité de son intention de réaliser le projet motif du congé, « considérant que l’ancienne bailleresse a expressément visé dans son congé du 10 août 1999 un motif légitime et sérieux qu’elle a défini comme étant « la démolition de l’immeuble » mais qu’en fait, à cette date, l’intéressée n’avait déposée aucune demande de permis de démolir et que ce n’est que 23 mois plus tard que le nouvel acquéreur a obtenu un arrêté lui accordant ce permis (…) L’ensemble des données de la cause démontrent que la bailleresse, qui a vendu son immeuble, n’a jamais eu l’intention sincère de démolir alors que, dès le 10 août 1999, elle savait qu’elle allait vendre. » La démolition invoquée dans le congé n’était donc pas constitutive d’un motif sérieux et légitime au sens de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 (CA Versailles, 28 juin 2002).
La preuve de l’intention réelle du bailleur n’est pas non plus rapportée en l’absence de toute démarche administrative (permis de construire, de démolir ou tout au moins dépôt d’une demande en ce sens) et face à un simple projet d’étude de faisabilité de l’opération immobilière (Cass. 3ème Civ. 2 juillet 1997).

Il résulte de l’ensemble de ces décisions que le meilleur moyen de rapporter la preuve de la réalité de l’intention du bailleur (question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond) est de joindre le document administratif attestant de la réalité du motif. Cependant, l’absence d’un tel justificatif à la date de délivrance du congé n’est pas rédhibitoire. En effet, l’intention du bailleur de procéder à une restructuration n’en est pas moins véritable, même s’il n’est pas sûr d’y parvenir compte tenu des contraintes administratives (CA Paris, 6e ch. B, 18 mai 2000). Autrement dit, les juges n’exigent pas au jour de la délivrance du congé une certitude quant à la réalisation du projet.
En outre, « le défaut d’agrément de l’autorité administrative est sans incidence sur la preuve de la réalité de la volonté du bailleur et n’empêche pas la présentation d’un projet ultérieur modifié répondant aux exigences administratives » (CA Paris, 1re ch. B, 18 mai 2000).

Ainsi, un bailleur, ayant déposé une demande de permis de démolir ainsi qu’une demande de permis de construire (rejetée) avant la délivrance du congé, puis une nouvelle demande de permis de construire (s’adaptant aux réglementations issues du nouveau PLU) postérieurement à la délivrance du congé, justifie d’une intention réelle de réaliser le projet immobilier motif du congé délivré.
En outre, il ressort de la décision de la cour d’appel de Versailles en date du 12 juin 1998 que la preuve de l’intention réelle du bailleur peut être rapportée par des documents préparatoires justifiant du coût et de l’importance des travaux (CA Versailles, 12 juin 1998). Tel est le cas de si le bailleur produit une facture faisant été de frais importants pour l’établissement d’un projet architectural.
Et, en effet, « la seule obligation qui pèse sur le bailleur est d’être en mesure de prouver son intention réelle d’exécuter les travaux et de permettre d’en apprécier l’ampleur et la portée. » (CA Versailles, 24 février 2004).

En conclusion, il semble donc qu’il ne soit pas besoin de produire le dossier de demande de permis de construire, dès lors que le bailleur rapporte la preuve de la sincérité de son intention d’effectuer les travaux de démolition et de reconstruction de l’immeuble litigieux par la production de la demande de permis de démolir et par les factures faisant état de l’ampleur et de la portée des travaux projetés.

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