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Clarification du délai de préavis applicable aux baux commerciaux : précision supplémentaire suite à l’arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 23 juin 2009

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Cet article fait suite à l’article du 6 juin 2009, repris et complété.

La loi n°2008-776 du 4 août 2008, dite loi de modernisation de l’économie, a modifié l’article L. 145-9 du Code de commerce, relatif au préavis à respecter afin de délivrer un congé dans le cadre d’un bail commercial, comme suit :

Ancienne rédaction Nouvelle rédaction
« Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance. » « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance. »

En outre, ces modalités de délivrance, applicables au congé délivré en fin de bail, sont a fortiori applicables au congé délivré à l’échéance de chaque période triennale, en raison de la rédaction de l’article L. 145-4 du Code de commerce : « à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, dans les formes et délai de l’article L. 145-9. »

Comme nous l’avions expliqué dans un précédent article (http://mdae.over-blog.com/article-26652676.html), la modification de l’article L. 145-9 visait à clarifier l’application du délai de préavis à respecter pour délivrer congé, la référence aux usages locaux étant aujourd’hui dépassée, difficilement lisible et source d’inégalités juridiques selon les régions d’application.

La loi de modernisation de l’économie a donc inséré la référence au trimestre civil, qui avait l’avantage de la clarté et de l’applicabilité uniforme sur l’ensemble du territoire français.

La rédaction du nouvel article L. 145-9 a cependant été malheureuse, dans la mesure où l’ancienne structure de l’article L. 145-9 du Code de commerce a été conservée, à savoir le critère cumulatif à la fois du délai de six mois et du dernier jour du trimestre civil.

Un doute s’était ainsi créé (les auteurs exprimant des opinions divergentes) : devait-on considérer qu’un congé, délivré au moins six mois à l’avance, (i) ne pouvait en tout état de cause produire effet que pour le dernier jour du trimestre civil suivant ou (ii) devait produire effet six mois après l’envoi dès lors qu’il était envoyé pour le terme contractuel ?

Face à ces incertitudes, le Secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services a précisé les modalités de calcul du délai de préavis, dans une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du 5 mai 2009 (page 4326) :

Question : « Mme Martine Pinville attire l’attention de M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services sur une difficulté d’application d’une disposition de l’article 45 de la loi n° 2008-776 qui modifie l’article L. 145-9 du code de commerce quant au préavis d’un congé donné par un locataire exerçant une activité commerciale. Selon les nouvelles dispositions, « les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil au moins six mois à l’avance ». Par ailleurs, l’article L. 145-4 du code de commerce prévoit « la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, dans les formes et délais de l’article L. 145-9 ». Compte tenu de la référence au trimestre civil, elle souhaite savoir si le congé doit être signifié avec un préavis de six mois augmenté du temps nécessaire pour atteindre le dernier jour du trimestre civil suivant l’expiration du délai de six mois du bail, ou avec un préavis de six mois pour le dernier jour de la date d’expiration du bail. »

Réponse : « L’article L. 145-4 du code de commerce dispose qu’à défaut de convention contraire, le preneur d’un local commercial a la faculté de donner congé au bailleur dans les formes et délais de l’article L. 145-9 du même code. Cet article L. 145-9 indique que les baux commerciaux « ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour d’un trimestre civil et au moins six mois à l’avance ». Cette formulation s’est substituée à l’occasion du vote de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 à celle faisant référence aux « usages locaux » en matière de délai de préavis, afin d’uniformiser ces délais sur l’ensemble du territoire français. L’expression « congé donné pour le dernier jour d’un trimestre civil et au moins six mois à l’avance » doit s’entendre de la manière suivante : le délai de six mois, constitué de deux trimestres, doit, au minimum, toujours être respecté. À ce délai minimum de six mois s’ajoute le délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre.
Concrètement, si un locataire entend quitter les lieux et qu’il envoie, par exemple, son préavis un 4 avril 2009, l’effet de ce préavis sera le 31 décembre 2009 (délai de six mois, du 4 avril au 4 octobre, augmenté du délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre civil)
. »

Le Secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services effectue donc une lecture stricte des nouvelles dispositions de l’article L. 145-9 du Code de commerce.

Par son caractère général, ne distinguant pas les deux périodes du bail commercial que sont la période contractuelle initiale et la période de tacite prorogation, cette réponse ministérielle laisse en effet penser que, désormais, tout congé (qu’il soit délivré pour le terme du bail ou lors d’une échéance triennale) ne pourra l’être que pour le dernier jour du trimestre civil faisant suite à l’échéance, et non plus pour ladite échéance contractuelle.

De sorte qu’à la lecture de la réponse ministérielle du 5 mai 2009, les solutions à retenir seraient les suivantes :

Congé avec offre de renouvellement
Demande de renouvellement
Congé sans offre de renouvellement
délivré au moins 6 mois à l’avance Délivré moins de 6 mois avant l’échéance ou en tacite prorogation Délivré au moins 6 mois à l’avance Délivré moins de 6 mois avant l’échéance ou en tacite prorogation
Le nouveau bail ne prendra en principe effet qu’au premier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois de la délivrance du congé.
Cependant, l’article L. 145-9 du Code de commerce n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent conventionnellement prévoir que le nouveau bail prendra effet le lendemain du terme contractuel du bail échu.
Le nouveau bail ne prendra en principe effet qu’au premier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois de la délivrance du congé.
Cependant, l’article L. 145-9 du Code de commerce n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent conventionnellement prévoir que le nouveau bail a pris effet le lendemain du terme contractuel du bail échu.

Le bail n’expirera qu’au dernier jour du trimestre civil suivant le terme contractuel du bail.
Ainsi, si un bail a été conclu à effet du 1er avril, et si le congé est délivré pour l’échéance et au moins 6 mois à l’avance, le bail expirera pour le terme contractuel (car il correspond au dernier jour d’un trimestre civil : le 31 mars).
Par contre, si un bail a été conclu à effet du 4 juillet, et si le congé a été délivré pour l’échéance (savoir le 3 juillet) et au moins 6 mois à l’avance, le bail prendra fin au 30 septembre (dernier jour du trimestre civil suivant le terme contractuel du bail).
Le bail n’expirera qu’au dernier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois de la délivrance du congé.
A cet égard, l’exemple pris par le Secrétaire d’État dans sa réponse est illustrant : « si un locataire entend quitter les lieux et qu’il envoie son préavis un 4 avril 2009, l’effet de ce préavis sera le 31 décembre 2009 (délai de six mois, du 4 avril au 4 octobre, augmenté du délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre civil). »

Un récent arrêt de la Cour de cassation vient cependant, en partie, contredire cette réponse ministérielle (Cass. 3e civ., 23 juin 2009, n° 08-18.507).

En l’espèce, la cour d’appel avait retenu, pour un bail commercial conclu au Croisic à effet du 4 août 1995, que la date d’usage pour le Croisic étant le 24 juin, le congé aurait dû être délivré pour le 24 juin 2004.
La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que « le bail, dont la durée ne pouvait être inférieure à 9 ans, expirait le 3 août 2004 et que le terme d’usage ne pouvait être retenu qu’en cas de reconduction tacite du bail. »

Le pourvoi soutenait pertinemment que « le terme d’usage en matière de bail commercial n’est préféré au terme contractuel que lorsque ce dernier a été dépassé. »

Dès lors que la Cour de cassation retient que la règle de l’article L. 145-9 du Code de commerce, selon laquelle les baux ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux ne s’applique qu’en cas de reconduction tacite du bail, il convient de tirer les conclusions suivantes :

– que ce soit pour l’échéance triennale ou pour le terme contractuel, le congé doit être donné pour lesdites échéances, sans avoir à respecter le terme d’usage ;
– ce n’est qu’en période de tacite reconduction du bail, c’est-à-dire au delà de son terme et en l’absence de congé ou demande de renouvellement formulés par l’une ou l’autre des parties, que le congé doit alors être délivré en respectant le terme d’usage.

Bien que rendue au visa de l’ancienne rédaction de l’article L. 145-9, la formule retenue par la Cour de cassation est parfaitement transposable à la nouvelle rédaction de cet article : « le dernier jour du trimestre civil ne pouvait être retenu qu’en cas de reconduction tacite du bail. »

Ainsi, il résulte de cette solution qu’il convient désormais de distinguer :

Congé avec offre de renouvellement
Demande de renouvellement
Congé sans offre de renouvellement
délivré au moins 6 mois à l’avance Délivré moins de 6 mois avant l’échéance ou en tacite prorogation Délivré au moins 6 mois à l’avance Délivré moins de 6 mois avant l’échéance ou en tacite prorogation
Le nouveau bail prendra effet le lendemain du terme contractuel du bail échu. Le nouveau bail ne prendra en principe effet qu’au premier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois de la délivrance du congé.
Cependant, l’article L. 145-9 du Code de commerce n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent conventionnellement prévoir que le nouveau bail a pris effet le lendemain du terme contractuel du bail échu.

Le bail expirera au terme contractuel du bail. Le bail n’expirera qu’au dernier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois de la délivrance du congé.
A cet égard, l’exemple pris par le Secrétaire d’État dans sa réponse est illustrant : « si un locataire entend quitter les lieux et qu’il envoie son préavis un 4 avril 2009, l’effet de ce préavis sera le 31 décembre 2009 (délai de six mois, du 4 avril au 4 octobre, augmenté du délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre civil). »

La Cour de cassation prend, dans cet arrêt du 23 juin 2009, un parti conforme à la liberté du commerce et de l’industrie et à l’article 1134 du Code civil (aux termes duquel les conventions régulièrement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites).
Au contraire, la solution retenue par la réponse ministérielle du 5 mai 2009 oblige le locataire qui veut quitter les lieux en donnant congé à payer jusqu’à 3 mois de loyer de plus, afin d’attendre la fin du trimestre civil, en violation de l’article 1134 du Code civil (le locataire ne pouvant se prévaloir du terme fixé dans la convention le liant au bailleur) et sans respect de sa liberté de commerce et d’industrie.

Le bail a vocation à prendre fin au terme fixé dans le contrat par les parties. S’il se prolonge au-delà (à défaut de congé ou demande de renouvellement), il devient à durée indéterminé (par dérogation aux baux civils régis par les articles 1736 et 1737 du Code civil) et il convient alors que la loi fixe de manière impérative les dates pour lesquelles le congé peut être donné.
C’est ce que réaffirme la Cour de cassation dans cet arrêt du 23 juin 2009.

En tout état de cause, et dans l’attente d’une position tranchée de la Cour de cassation sur la lecture du nouvel article L. 145-9 du Code de commerce, il sera à conseiller, pour la conclusion ou le renouvellement de futurs baux commerciaux, de caler la date de prise d’effet de ces baux sur le premier jour d’un trimestre civil, quitte à prévoir des délais de mise à disposition anticipée afin de gérer la période courant de la date d’accord des parties sur la mise à disposition des locaux au premier jour du trimestre civil considéré.

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