Un arrêt récent de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation vient sanctionner l’appel en cause d’une entreprise lors de la procédure aux fins qui suit le dépôt d’un rapport d’expertise, alors même que cet appel en cause aurait pu être effectué lors desdites opérations d’expertise, rendant ainsi les opérations techniques opposables à l’entreprise.
La Cour de cassation (dans un arrêt publié au bulletin) approuve ainsi une Cour d’appel en retenant : « mais attendu qu’ayant relevé que les opérations d’expertise s’étaient déroulées au contradictoire du maître d’œuvre à l’exclusion de toute autre partie et que les entreprises intervenantes et la SMABTP n’avaient été mises en cause par l’architecte que plus de deux années après le dépôt du rapport, et retenu que la communication de ce rapport en cours d’instance ne suffisait pas à assurer le respect du contradictoire, la cour d’appel devant laquelle l’inopposabilité de l’expertise était soulevée et aucun autre élément de preuve n’était invoqué, a exactement retenu qu’aucune condamnation ne pouvait intervenir à l’encontre des appelés en garantie sur la base de ce seul rapport d’expertise. »
Cette décision semble opérer un revirement au regard de la jurisprudence constante antérieure de la Cour de cassation, qui décidait qu’un rapport d’expertise était opposable à une partie, nonobstant l’appel en cause de cette partie postérieurement au dépôt du rapport, dès lors que cette partie avait eu la possibilité de discuter des conclusions du rapport.
Il avait ainsi été jugé : « L’assureur qui, en connaissance des résultats de l’expertise dont le but est d’établir la réalité et l’étendue de la responsabilité de son assuré qu’il garantit, a eu la possibilité d’en discuter les conclusions, ne peut, sauf s’il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu’elle lui est inopposable » (Cass. 2e civ., 19 novembre 2009, AGF c/ MAF et société Lassie-Priou , voir aussi Cass. 3e civ., 8 avril 1992, n°90-12.351).
Si le revirement est d’apparence, il semble cependant que la Cour de cassation ait simplement donné, dans son arrêt du 27 mai 2010, une application de la notion de « fraude ». Dans l’espèce soumise à son appréciation en mai 2010, le maître d’œuvre avait en effet été le seul appelé en cause lors des opérations d’expertise (alors même que les désordres relevaient en partie de fautes d’exécution) et avait en outre attendu près de deux ans avant d’appeler en cause les entreprises ayant exécuté les travaux, ne leur laissant ainsi pas la possibilité de contester et de discuter les conclusions techniques de l’expert judiciaire désigné.
Il semble donc que l’arrêt du 27 mai 2010 fasse une application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation : le rapport d’expertise est opposable aux parties, même appelées en cause après le dépôt, dès lors qu’elles ont la possibilité de discuter des conclusions, sauf fraude à leur encontre.