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Décision du Tribunal des Conflits du 28 mars 2011 (n°3773) : précision sur la répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires

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Par une décision du 28 mars 2011, le Tribunal des Conflits a décidé que « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé » (Tribunal des Conflits, 28 mars 2011, n°3773, Commune de la Clusaz c/ SMABTP).

En l’espèce, la Commune de la Clusaz avait conclu un marché de travaux publics en vue de la réalisation d’une retenue collinaire ayant pour objet le stockage d’eau pour l’alimentation des canons à neige, marché dont le lot étanchéité avait été sous-traité par l’attributaire à une société privée, GEOETANCHE. Le membrane posée par le sous-traitant s’étant fissurée et ne remplissant plus sa fonction d’étanchéité, le maître d’ouvrage a assigné l’entreprise et son assureur aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.

Le maître d’ouvrage, qui n’était pas contractuellement lié au sous-traitant, invoquait les manquements de ce dernier dans l’exécution de ses obligations contractuelles et recherchait sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Le Tribunal des Conflits confirme que la juridiction administrative est compétente pour connaître du recours du maître d’ouvrage, à la fois contre GEOETANCHE mais aussi contre son assureur, la SMABTP.

Cette décision fait suite à une jurisprudence déjà abondante en la matière, visant à déterminer la répartition de compétence, dans le cadre des recours entre les différents intervenants à un acte de construire un ouvrage public :

– l’action du maître d’ouvrage, personne de droit public, contre le maître d’oeuvre et les cocontractants chargés de la conception ou de la conception ou de l’exécution d’un ouvrage public a toujours relevé de la compétence de la juridiction administrative, à raison de la nature administrative des contrats afférents à une opération de travaux publics,

– les recours exercés entre les différents participants privés à l’opération de travail public relèvent également de la compétence de la juridiction administrative, à défaut de lien contractuel entre eux (TC, 15 janvier 1973, société Quillery-Goumy).

– le recours de l’entreprise principale contre son sous-traitant relève de la compétence des juridictions judiciaires, à raison du contrat de droit privé liant les parties.

– s’agissant de l’action du maître d’ouvrage, personne de droit public, contre les sous-traitants des entreprises attributaires, la position du Tribunal des conflits a évolué. Dans un premier temps, le Tribunal des conflits considérait que ces actions relevaient de la compétence des juridictions judiciaires, à défaut de lien contractuel entre le maître d’ouvrage et le sous-traitant (TC, 19 mars 1979, Faugeron et autres, n°2112). Le Tribunal des conflits estimait que le sous-traitant n’intervenait dans l’opération qu’en vertu d’un contrat de droit privé et que l’action de la collectivité publique, maître d’ouvrage, apparaissait comme étant fondée sur les manquements commis par le sous-traitant à ses obligations nées du contrat de droit privé conclu avec l’entreprise principale.

Dans un second temps, le Tribunal des conflits a opéré une distinction sur le fondement juridique de l’action exercée par le maître d’ouvrage : la compétence des juridictions administratives était retenue pour connaitre des actions en responsabilité quasi-délictuelle tendant à obtenir réparation d’un dommage causé par un sous-traitant, au motif que le maître d’ouvrage était alors considéré comme la victime d’un dommage de travaux publics. La compétence des juridictions judiciaires était quant à elle retenue pour connaître (i) des actions du maitre d’ouvrage contre le sous-traitant tenant à obtenir l’exécution des obligations issues du contrat de sous-traitance, contrat de droit privé (TC, 10 juillet 19990, n°2622, SEMARELP) et (ii) des actions du maître d’ouvrage à raison des fautes commises par le sous-traitant dans l’exécution de ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage (TC, 22 janvier 2001, n°3196, Centre hospitalier de Montpellier c. société Babcock et Pillard).

Le Tribunal des conflits a ensuite simplifié sa jurisprudence en abandonnant la distinction opérée en fonction de la nature de l’action entreprise, faisant une application extensive du caractère attractif de la notion de travail public. Depuis l’arrêt TC, 2 juin 2008, Souscripteurs des Lloyd’s de Londres c/ Commune de Dainville (n°3621), il appartient en principe aux juridictions administratives de connaître de tout litige « né de l’exécution d’un marché de travaux pulics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux (…) sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ».

Cette position a été réitérée à plusieurs reprises (TC, 8 juin 2009, Communauté de communes Jura Sud, n°3678 ; TC, 21 juin 2010, SA BEC Frères, n°3757).

Ainsi, seules relèvent de la compétence des juridictions judiciaires les actions entreprises entre des parties unies par un contrat de droit privé :

– action en garantie du titulaire du marché contre ses sous-traitants (TC, 17 décembre 2001, SOciété Rue Impériale de Lyon c/ Société Lyon Parc Auto)

– action en paiement du solde du prix des travaux dirigée par le sous-traitant à l’encontre du titulaire du marché (TC, 26 septembre 2005, SCM Mombazet c/ société Actra, n°3460).

L’apport de cette dernière jurisprudence du Tribunal des Conflits (TC, 28 mars 2011, n°3773, Commune de la Clusaz c/ SMABTP) réside dans le fait que désormais la compétence de la juridiction administrative est clairement affirmée, « quel que soit le fondement juridique de l’action », y compris sur le fondement des garanties légales à l’encontre des assureurs des sous-traitants.

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