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Droit immobilier et droit du travail : le sort du gardien en cas de vente d’un immeuble

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1. Position jurisprudentielle antérieure

L’article L. 1224-1 nouveau du Code du travail (ancien article L. 122-12) dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

La question est de savoir si la vente d’un immeuble peut être considérée comme une modification au sens de l’article L. 1224-1 nouveau du Code du travail, entraînant la poursuite des contrats de gardiennage entre les gardiens en place et l’acquéreur de l’immeuble concerné.

La Cour de cassation décidait traditionnellement que cet article n’était pas applicable en cas de vente d’une résidence secondaire (Cass. Soc., 3 octobre 1989, req n° 87-43.953) comme en cas de vente d’un immeuble, même si celui-ci était entièrement dévolu à usage locatif (Cass. Soc., 31 janvier 2001, req n° 98-42.070).

Le raisonnement de la Cour de cassation était le suivant : le gardien ne peut revendiquer le transfert de son contrat de travail dès lors que l’employeur a vendu « une propriété immobilière et non une entreprise », « la cession portant sur une propriété immobilière qui ne constitue pas en elle-même une entité autonome. »

La conséquence de l’inapplicabilité de l’article L. 1224-1 nouveau en cas de vente d’un immeuble est le licenciement du gardien, dont le contrat n’est pas transféré à l’acquéreur de l’immeuble, par le vendeur qui n’a plus de raison de conserver (l’activité de gardiennage étant par essence rattachée à l’immeuble, vendu).

Si la jurisprudence n’appliquait pas l’article L. 1224-1 nouveau en cas de vente d’un immeuble, elle n’en sanctionnée pas moins le licenciement effectué par le vendeur, dans la mesure où ce licenciement n’était motivé ni par des difficultés économiques, ni par une nécessité de restructuration, seules raisons de nature à justifier un licenciement économique (pour une application, voir CA Paris, 18e chambre, 3 juin 2005, req n° 04-30.719).

2. Solution jurisprudentielle actuelle

Par un arrêt de la chambre sociale en date du 14 février 2007 (Cass. SoC., 14 février 2007, req n° 4-47.110) et deux arrêts de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 20 février 2007 et 27 février 2007, req n° 06-03.682), la jurisprudence a adaptée sa solution, en décidant que si la vente d’un immeuble n’emporte pas toujours à elle seule l’application de l’article L. 122-12 (ancien) du Code du travail, il en va autrement lorsque cette vente s’accompagne d’un véritable transfert d’une activité économique, poursuivant un objectif propre, à condition que l’activité transférée conserve son identité.

La jurisprudence reconnaît ainsi que, sous certaines conditions (et notamment celle du transfert d’une activité économique), l’activité de gardiennage peut faire l’objet d’un transfert au sens de l’article L. 1224-1 du Code du travail.

La Cour de cassation a été amenée à définir ce qui constituait une entité économique, dans l’hypothèse de la vente d’un immeuble. La Cour décide que l’article L. 122-12 (ancien) est applicable lorsqu’ « il y a transfert d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels, permettant l’existence d’une activité économique poursuivant un objectif propre », car dans cette hypothèse, la cession emporte reprise du service de gardiennage et d’entretien qui en relevait, ainsi que des contrats nécessaires à l’exploitation de l’immeuble ;

Ainsi, l’article L. 1224-1 du Code du travail est applicable aux ventes d’ensembles immobiliers, lorsque sont organisés collectivement le gardiennage et l’entretien de ces immeubles ?

Cette solution doit être combinée avec la jurisprudence Perrier (Cass. Soc., 18 juillet 2000, req n° 98-18.037) qui décide que l’article L. 122-12 ne trouve pas à s’appliquer lorsque « le transfert d’un service ne constitue qu’un simple démembrement des services centraux, ne disposant pas, au sein de l’établissement, d’une autonomie tant dans ses moyens, en raison de la polyvalence de la plupart de ses salariés, que dans l’organisation de sa production, et ne possède pas de moyens particuliers, tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre. »

Ainsi, l’article L. 1224-1 n’aura vocation à s’appliquer aux contrats de gardiennage, dans l’hypothèse d’une vente d’immeuble, que dans la mesure où l’activité de gardien est distincte de l’achat ou la vente d’immeuble et est exercée par le gardien de façon autonome et spécifique.

La Cour d’appel de Versailles a été amenée à préciser la position prise par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 février 2007. Ainsi, la Cour d’appel a été amenée à juger que l’activité de gardiennage peut certes faire l’objet d’un transfert au sens de l’article L. 122-12 (ancien) du Code du travail dès lors que cette activité est distincte de l’achat ou de la vente d’immeuble, mais qu’elle est en revanche inapplicable en l’absence de maintien de l’identité transférée. En l’espèce, lorsque la société venderesse était propriétaire, le gardien assurait essentiellement des fonctions de régisseur de l’immeuble (encaissement des loyers, quittancement, visites d’entrée et de sortie). La vente des appartements, par lots, aux anciens locataires (devenus propriétaires) avait fait disparaître cette fonction de régisseur, entraînant par voie de conséquence la disparition de l’activité initiale (CA Versailles, 27 février 2007, req n° 06-03.682).

La Cour d’appel de Versailles a également jugé que, même en l’absence de maintien de l’identité d’activité, si le gardien continue à exercer son activité pour le compte du nouveau propriétaire, celui-ci est réputé avoir repris le contrat de travail initial (CA Versailles, 2O février 2007, req n° 06-03.682). En l’espèce, la Cour d’appel n’a pas même recherché à savoir si l’article L. 122-12 était applicable ou non. Elle a simplement constaté que l’acquéreur a continué d’utiliser l’activité du gardien après la disparition de la copropriété, ayant même donné des instructions et se comportant, de ce fait, comme un nouvel employeur. Ce n’est pas ici la vente de l’immeuble qui entraîne le transfert de l’activité de gardiennage, mais l’attitude de l’acquéreur qui s’est comporté comme un employeur, justifiant ainsi la poursuite de l’activité de gardiennage.

3. Synthèse des solutions applicables

La Cour de cassation reconnaît que l’activité de gardiennage peut constituer une véritable activité économique, dès lors qu’elle est suffisamment organisée, qui peut dès lors faire l’objet d’un transfert par application de l’article L. 1224-1 nouveau du Code du travail.

Cette solution est particulièrement vraie lorsque le gardien assure des fonctions de régisseur, mais pas seulement.

Solution

Justification

Vente d’un immeuble constituant la résidence principale ou secondaire du vendeur

Inapplicabilité de l’article L. 1224-1

Pas de transfert d’une activité économique autonome

Vente en bloc d’un ensemble immobilier

Applicabilité de l’article L. 1224-1

Maintien des fonctions de gardiennage dès lors que le gardien contribue à une véritable activité économique (= activité organisée)

Vente à la découpe et mise en copropriété après une vente à la découpe

Inapplicabilité de l’article L. 1224-1

Pas de maintien de l’identité d’activité, modification du système et des fonctions de gardiennage

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