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Le régime d’éloignement des étrangers

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Le séjour des étrangers en France a un terme. Ce terme résulte de l’expiration de la durée de validité du visa ou du titre de séjour, de l’écoulement des 3 mois de présence possibles sans titre de séjour, ou du refus de renouvellement du titre de séjour, voire l’étranger peut à tout moment quitter la France avant le terme normal de son séjour. L’étranger a alors l’obligation de quitter la France. Si cette obligation est respectée, il n’y a pas lieu de procéder à l’éloignement forcé de l’étranger. Si l’étranger décide de se maintenir irrégulièrement en France, il est alors nécessaire de recourir à l’un des 3 types d’éloignements :

  • La reconduite à la frontière ;
  • L’expulsion ;
  • L’extradition.
A. La reconduite à la frontière

1. La reconduite pénale

Prévue par l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, elle s’applique à « l’étranger qui a séjourné ou pénétré irrégulièrement en France. » Ce dernier peut être déféré au Parquet. Si celui-ci décide de le poursuivre, le tribunal correctionnel peut lui infliger une peine de prison ou d’amende qu’il peut assortir d’une interdiction du territoire. Cette dernière emporte alors de plein droit la reconduite du condamné à la frontière.

2. La reconduite administrative

Elle est régie par les articles 22, 22 bis et 26 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945. C’est le préfet qui est compétent pour la décider. Elle existe depuis la loi Pasqua du 9 novembre 1986 : avant seule la reconduite pénale existait. Il la décide si l’étranger est entré irrégulièrement en France, a séjourné irrégulièrement en France (durée du visa ou du titre de séjour dépassé, falsification de son titre de séjour, retrait ou refus de délivrance ou de renouvellement de son titre de séjour pour un motif d’ordre public). Tout étranger qui essaie de se soustraire à cette reconduite encourt une peine d’emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel. Le préfet a le pouvoir discrétionnaire de choisir le pays vers lequel l’étranger reconduit à la frontière sera renvoyé, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un pays dans lequel sa vie ou sa liberté seraient menacées.
Le pouvoir discrétionnaire du préfet peut paraître inquiétant dans un domaine où la xénophobie est à craindre. Toutefois ce danger est atténué par :

  • l’existence d’une catégorie d’étrangers protégés (liste à l’article 25 de l’ordonnance de 1945). Ex : étrangers mariés depuis au moins 1 an à des français ;
  • la mise en place de garanties procédurales (l’arrêté de reconduite à la frontière doit être notifié à l’intéressé et motivé. Dès cette notification l’étranger peut avertir son consulat ou la personne de son choix. L’arrêté ne pourra pas être exécuté avant l’expiration d’un délai de 48 heures suivant sa notification, délai pendant lequel l’intéressé peut former un recours en annulation suspensif contre cet arrêté devant le président du tribunal administratif qui statuera dans les 48 heurs après que l’étranger ait été entendu en audience publique ;
  • et l’efficacité du contrôle juridictionnel : depuis CE Ass, 1991, Babas, le juge administratif accepte d’annuler, en se fondant sur l’article 8 CESDH, les arrêtés de reconduite à la frontière qui portent une atteinte excessive à la vie familiale des intéressés, au regard des exigences réelles de l’ordre public (Ex : l’intéressé a-t-il encore des attaches dans son pays d’origine : reconduite à la frontière possible dans ce cas). Le juge administratif fait donc un contrôle de proportionnalité à propos de la mise en œuvre d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration. Parallèle possible avec l’arrêt CE, 1933, Benjamin : le « maire prend les mesures qu’exige le maintien de l’ordre mais il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion. ».

Sur les autres points que le respect de la vie familiale de l’étranger, le juge n’exerce en revanche qu’un contrôle minimum, simplement étendu à l’erreur manifeste d’appréciation sur l’arrêté de reconduite à la frontière : dans ce cas le pouvoir du préfet est bien discrétionnaire.

B. L’expulsion

L’expulsion a longtemps constitué le domaine réservé du ministre de l’intérieur. Le décret du 13 janvier 1997 a fait évolué les choses en confiant l’expulsion ordinaire aux préfets, le ministre de l’Intérieur ne restant compétent qu’en matière d’expulsion en urgence absolue.
Alors que l’étranger reconduit à la frontière peut revenir en France assez facilement dès lors qu’il remplit les conditions d’entrée précitées, l’étranger expulsé ne peut pas revenir en France tant que l’arrêté d’expulsion n’est pas abrogé par l’administration, annulé par le juge administratif, ou frappé de suspension. Contrairement à la reconduite à la frontière qui touche des individus a priori inoffensifs en situation irrégulière, l’expulsion frappe des étrangers dangereux pour l’ordre public. Elle est donc plus stricte et le retour des étrangers est plus ardu.
Le régime juridique de l’expulsion est différent de la reconduite à la frontière.

1. L’expulsion ordinaire

Elle est régie par les articles 23 à 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945. Le préfet a le pouvoir discrétionnaire de la décider lorsque l’étranger concerné remplit 2 conditions cumulatives :

  • il constitue une menace grave pour l’ordre public ;
  • il réside irrégulièrement en France ou il a été condamné définitivement à une peine au moins égale à 1 an d’emprisonnement ferme.

Son pouvoir discrétionnaire s’efface si l’étranger appartient à l’une des catégories protégées déjà citées en matière de reconduite à la frontière.
Le préfet doit respecter des garanties procédurales : l’étranger doit être informé par un « bulletin » motivé que la procédure d’expulsion est engagée contre lui. Il est convoqué devant la commission des expulsions qui entend l’étranger et transmet son avis motivé au préfet qui est libre de ne pas le suivre. Dès la fin de cette procédure, si l’arrêté d’expulsion est pris, il peut être procédé à son exécution immédiate. Deux catégories d’étrangers peuvent faire retarder cette exécution immédiate : les ressortissants de l’UE et les réfugiés politiques.
Le juge administratif exerce un contrôle minimum sur l’appréciation de menace grave à l’ordre public justifiant l’expulsion, sauf si l’expulsé est un ressortissant de l’UE : il exerce alors un contrôle normal. Il peut exercer un contrôle maximum en se fondant sur l’article 8 CESDH, pour savoir si l’arrêté d’expulsion porte une atteinte excessive à la vie familiale des intéressés, au regard des exigences réelles de l’ordre public. Il exerce un contrôle normal sur le choix fait par l’administration du pays de destination de l’expulsé.
La CESDH interdit à tout Etat signataire d’expulser ses propres ressortissants, interdit les expulsions collectives d’étrangers et permet à tout intéressé de pouvoir présenter sa défense avant d’être expulsé.

2. L’expulsion en urgence absolue

Elle est régie par l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : elle permet d’expulser les étrangers sans les faire comparaître au préalable devant la commission des expulsions qui n’est pas consultée.
Elle peut être prononcée même contre les personnes protégées vis-à-vis de l’expulsion ordinaire sauf s’il s’agit de mineurs.
Toutefois le Ministre de l’intérieur ne peut y recourir qu’en cas d’urgence absolue et (pour les étrangers protégés) lorsqu’elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou pour la sécurité publique. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l’existence de ces deux conditions et exige que les arrêtés soient motivés.

C. L’extradition

La France remet à un autre Etat, sur sa demande, un étranger qui y a fait l’objet d’une poursuite ou d’une condamnation pénale, pour des faits punissables par la loi française. Elle est régie essentiellement par la loi du 10 mars 1927 et par la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, ratifiée par la France en 1985. Elle ne peut être prononcée que dans le respect d’une procédure stricte et fait l’objet d’un contrôle juridictionnel approfondi.

1. La procédure

La procédure se déroule en quatre phases :

  • Le Ministre des Affaires étrangères reçoit et examine la demande d’extradition. Il vérifie qu’elle est complète. Il la transmet ensuite au Ministre de la Justice qui la transmet au Procureur de la République territorialement compétent.
  • Le Procureur de la République procède alors à l’arrestation de l’étranger concerné et l’interroge dans les 24 heures de son arrestation. Il transmet ensuite le dossier au Procureur général qui soumet l’étranger à un nouvel interrogatoire dans les 24 heures de la réception du dossier.
  • Le dossier et les procès-verbaux des deux interrogatoires sont alors transmis à la chambre de l’instruction. L’étranger comparait devant elle dans un délai de 8 jours maximum à compter de la notification des pièces. L’audience est publique et l’étranger dit s’il consent à être livré : chambre de l’instruction en donne acte et l’étranger est livré après qu’un décret d’extradition ait été rendu. Si l’étranger n’y consent pas : la Chambre de l’instruction donne son avis motivé (favorable ou non) sur cette demande d’extradition et envoie le dossier dans les 8 jours au Ministre de la Justice, délai de 8 jours pendant lequel l’étranger peut être mis en liberté provisoire.
  • Le ministre de la Justice est obligé d’interdire l’extradition en cas d’avis défavorable de la chambre de l’instruction. En cas d’avis favorable, il propose au Président de la République, qui peut refuser, la signature d’un décret autorisant l’extradition.
2. Le contrôle juridictionnel

La Cour de Cassation contrôle la légalité externe de l’avis de la chambre de l’instruction depuis Crim, 17 mai 1984, Doré.
Le Conseil d’Etat conserve tout le champ de contrôle de l’extradition excepté la légalité externe de l’avis de la chambre de l’instruction :

  • La légalité externe du décret d’extradition est contrôlée par le biais du REP depuis CE Ass, 1937, Decerf. Le Conseil vérifie que le décret d’extradition soit convenablement motivé.
  • La légalité interne du décret d’extradition est contrôlée depuis CE Ass, 1977, Astudillo Calleja. Le Conseil vérifie d’abord que l’extradition concerne bien un étranger qui a fait l’objet d’une poursuite ou d’une condamnation pénale, pour des faits punissables par la loi française. Il veille aussi au principe d’interdiction des extraditions politiques. Il vérifie ensuite que le droit pénal de l’Etat qui demande l’extradition est conforme à l’ordre public français, i.e. aux valeurs fondamentales du droit français (pas de torture, de peine de mort…). Et il dégage enfin des principes généraux du droit de l’extradition dont il impose le respect. Ex : principe selon lequel le système judiciaire de l’Etat demandeur doit respecter les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine.

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