Dans deux affaires tranchées le 18 octobre 2006, la Cour de cassation poursuit sa construction jurisprudentielle sur les conditions d’accès de l’employeur aux dossiers, documents ou e-mails des salariés (Soc, 18 octobre 2006).
La Cour de cassation avait déjà admis que, dans les cas où un salarié a identifié des fichiers informatiques comme étant personnels, l’employeur y a accès, sous réserve que ce salarié soit présent ou après qu’il l’a dûment appelé. En l’absence du salarié ou faute de l’avoir appelé, l’employeur ne peut accéder à ces fichiers que si un risque ou un événement particulier le justifie (jurisprudence Nikon).
Par ailleurs, les e-mails personnels sont protégés par le secret des correspondances.
Aujourd’hui la Cour de cassation complète ces règles en considérant que tous documents, dossiers ou fichiers non identifiés comme personnels par le salarié sont présumés professionnels. Elle en déduit logiquement que, dons cette hypothèse, l’employeur y a accès sans qu’il soit nécessaire que le salarié concerné soit présent.
Ainsi, le caractère professionnel des dossiers, fichiers et documents est présumé.
Sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les a identifiés comme étant personnels
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les dossiers et fichiers que celui-ci a créés grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail (Soc, 18 octobre 2006) ;
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les documents qu’il détient dans le bureau que l’entreprise met à sa disposition (Soc, 18 octobre 2006).
La Cour de cassation rappelle le libre accès de l’employeur aux dossiers, fichiers et documents professionnels.
Quand le salarié n’a pas identifié les dossiers et fichiers présents sur son ordinateur, ou encore les documents qu’il détient dans son bureau comme personnels, ceux-ci sont nécessairement présumés professionnels. L’employeur a donc accès à ces dossiers, fichiers ou documents professionnels sans qu’il soit nécessaire que le salarié concerné soit présent.
À l’inverse, si le salarié a identifié comme personnels les dossiers, fichiers ou documents qu’il détient, l’employeur n’y a accès que si, entre autres conditions, le salarié est présent ou, du moins, a été appelé (Soc, 17 mai 2005). L’ouverture ne peut se faire qu’en présence du salarié ou dûment appelé, sauf circonstances exceptionnelles, autorisant l’employeur à se passer de la présence du collaborateur.
Il n’y a pas de blocage de l’accès de l’employeur à l’ordinateur.
II résulte aussi du libre accès de l’employeur aux dossiers et fichiers professionnels contenus dans l’ordinateur d’un salarié que ce dernier ne peut pas empêcher volontairement son employeur d’accéder à son poste informatique (par exemple, grâce à un procédé de cryptage mis en place sans autorisation de l’entreprise). Un tel comportement peut justifier, selon les circonstances, un licenciement pour faute grave (Soc, 18 octobre 2006).
L’employeur exerce un contrôle sur les documents professionnels.
Le fait que l’employeur ait libre accès aux documents professionnels détenus par le salarié l’autorise, le cas échéant, à se servir de ces documents pour prouver une faute du salarié sans qu’il soit nécessaire, pour la validité de cette preuve, que le salarié ait été présent au moment où l’employeur a accédé à ces documents.
Le droit d’accès de l’employeur est placé sous conditions.
Au nom du respect de la vie privée, les fichiers identifiés comme personnels par le salarié sur le disque dur de son ordinateur sont, en principe, inviolables.
Cette inviolabilité est néanmoins soumise à conditions : l’employeur peut accéder à ces fichiers en présence de l’intéressé ou après l’avoir dûment appelé. Hors cette présence ou cet appel, il ne peut le faire que si un risque ou un événement particulier le justifie (Soc, 17 mai 2005).
Selon la CNIL, la possibilité pour l’employeur d’accéder aux fichiers personnels de ses salariés contenus dans le disque de leur ordinateur doit, par principe, être prévue par le règlement intérieur. Les modalités principales d’information du salarié visées par le contrôle doivent aussi y être inscrites. Par exception, un tel contrôle serait possible sans inscription au règlement intérieur et sans information préalable en cas de risque ou d’événement particulier.
Le respect de la vie privée implique en particulier le secret des correspondances. Dès lors, l’employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci, même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (Soc, 2 octobre 2001).
La CNIL recommande, s’agissant des e-mails, que le salarié veille à distinguer ses messages personnels des messages professionnels. Pour ce faire, il a notamment la possibilité d’indiquer la mention « personnel » dans l’objet de son message. Toujours selon la CNIL, en l’absence de toute indication, le message électronique émis ou reçu depuis le poste de travail mis à disposition par l’employeur est présumé à caractère professionnel.
Il est aussi conseillé que les salariés distinguent leurs fichiers personnels des fichiers professionnels.
Enfin, il est conseillé que la possibilité de distinguer pour les salariés entre ce qui relève du professionnel et ce qui relève du personnel soit accompagnée d’un enga¬gement de chacun d’entre eux à ne pas qualifier des informations professionnelles en informations personnelles en vertu de l’obligation de bonne foi (L 120-4 C.Trav.).