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Les conséquences pénales de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie

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Cette loi a rejeté l’euthanasie active qui consiste le plus souvent à donner la mort aux grands malades en fin de vie par l’administration d’une substance mortifère. On sait que dans une telle hypothèse la qualification est le crime d’empoisonnement, le mobile ayant déterminé l’auteur ou le consentement de la victime gravement malade n’exerçant aucune influence sur le caractère criminel du fait.
Dans l’hypothèse de l’euthanasie, il n’y a pas que l’empoisonnement comme qualification possible. On peut aussi retenir la qualification de meurtre. Ex : débranchement des appareils. L’arrêt des traitements ou l’arrêt de l’alimentation artificielle d’une personne est une infraction de non assistance à personne en danger.
L’euthanasie active demeure, même après l’adoption de cette loi, un crime. Le législateur a consacré le principe du laisser mourir sans faire mourir.
Le consentement de la victime est sans effet. Cependant, on peut considérer que si le praticien respecte soigneusement les conditions prévues par la loi, il pourra utilement invoquer le fait justificatif de l’autorisation de celle-ci faisant obstacle à ce que le crime de l’empoisonnement ou le crime de meurtre (Ex : débranchement du respirateur), voire le délit de non assistance à personne en danger, soit retenu.
La loi de 2005 n’a toujours pas réglé le problème de l’euthanasie qui demeure punissable, mais le législateur prévoit certaines conditions : le médecin pourra éventuellement se fonder sur celles-ci en cas de poursuite pour une de ces trois qualifications. Avec ce texte, le législateur a crée un fait justificatif : l’autorisation de la loi.

A. Le malade est conscient

La loi de 2005 pose la règle de l’exclusion de la poursuite de tout traitement par une obstination déraisonnable. Le nouvel article L. 1110-5al2 CSP prévoit que lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, les soins peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Il faut donc trois critères : une situation irrémédiable, une situation disproportionnée (traitement très lourd) et l’inefficacité des soins. En vertu de ce texte, le praticien pourra ne plus poursuivre le soin s’il n’existe aucun espoir d’amélioration de l’état de santé du patient. Ainsi l’obstination déraisonnable (mot clé de cette loi) devient un critère déterminant de la cessation de la vie.
Par ailleurs, le législateur a renforcé encore plus le principe de la liberté du consentement du malade qui était déjà admis depuis la loi du 4 mars 2002. En particulier, lorsque le malade est conscient et n’est pas en fin de vie, il peut refuser tout traitement. Comme il a été signalé lors des travaux préparatoires, le malade peut désormais refuser toute alimentation artificielle, qui est considérée par le médecin comme une forme de traitement dans la mesure où elle permet le maintien de la vie. Les parlementaires ont voulu surtout viser l’alimentation artificielle. On ne peut donc pas poursuivre le médecin pour non assistance à personne en danger du fait de la volonté du patient.
Mais le dispositif est tout de même lourd : un ensemble de formalité doit être respecté. Ce refus du malade doit être entouré de certaines garanties procédurales dans le double intérêt du malade et du médecin :

  • Le praticien peut en présence de la demande de refus du traitement du malade faire appel à un autre membre du corps médical (L. 1111-4 al 2).
  • En deuxième lieu, le malade doit réitérer sa demande après un délai raisonnable. On peut regretter que la loi n’ait pas pris soin de fixer la durée exacte de ce délai de réflexion, laissant une certaine liberté d’appréciation au praticien, ce qui peut se retourner dans certaines circonstances contre lui. Le délai pourra par exemple, être jugé dans certains cas courts et dans d’autres cas longs.
  • En troisième lieu, la décision du malade doit être inscrite dans son dossier médical. C’est un moyen de preuve (on n’applique pas ici le principe de la liberté de preuve, de l’intime conviction de la matière pénale mais les principes du droit civil car c’est un dispositif très rigoureux et qui n’est pas contenu dans le Code pénal mais dans le Code de la santé publique).

Ceci ne s’applique pas dans l’hypothèse où le malade conscient est en fin de vie. Ici c’est l’urgence de la situation qui autorise à écarter l’application de ces garanties procédurales. En pareil cas, l’article L. 1111-10 CSP dispose que « lorsqu’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelque en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix ». La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. Cette inscription peut se révéler utile car en cas de poursuites le praticien pourra toujours prouver que le malade avait expressément demandé l’arrêt du traitement.
En outre, l’article L. 1110-5 CSP prévoit que « lorsque le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelque en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informe le malade sans préjudice des dispositions du 4ème alinéa de l’article L. 1111-2 CSP qui permettent à la personne de vouloir être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ». Le médecin qui constate qu’il ne peut soulager la souffrance qu’en appliquant un traitement qui peut abréger sa vie est donc tenu d’informer le malade. Mais il peut garder le silence en vertu de l’article L. 1111-2. On peut laisser le malade dans l’ignorance du diagnostic. La loi autorise le médecin à adopter un comportement différent selon les circonstances. Certains ont vu dans cette disposition une sorte d’euthanasie acceptée, puisqu’on autorise l’administration de doses létales en fin de vie.

B. Le malade est inconscient

Dans le cas où le malade est inconscient, la limitation ou l’arrêt des traitements susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le Code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille, ou à défaut un de ses proches, et, le cas échéant, les directives anticipées du malade aient été consultées (= testament de vie).
La consultation de la personne de confiance n’est pas une nouveauté puisque la loi du 4 mars 2002 avait déjà créée une telle institution. Cependant, la loi de 2005 a renforcé le rôle de cette personne dans la mesure où elle prévoit que l’avis de celle-ci, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur toute autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions d’investigations, d’intervention ou de traitement prises par le médecin (L. 1111-12).
La grande nouveauté de la loi est la création des directives anticipées, appelées parfois testament de vie. Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives manifestent le souhait de la personne relatif à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt du traitement. Elles sont révocables à tout moment tant que la personne est en bonne forme (L. 1111-4). Elles doivent être établies moins de 3 ans avant le début de l’état d’inconscience du malade. Le médecin doit prendre en considération ces directives anticipées pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement. Elles sont irrévocables si la personne est en état d’inconscience. De plus, le praticien doit respecter la procédure collégiale définie par le code déontologie médicale.
Le dispositif issu de cette loi a été complété récemment par trois décrets d’application du 6 février 2006, qui fournissent notamment un certain nombre de précisions sur la procédure collégiale et sur les directives anticipées.

Dans l’affaire de Vincent Humbert auquel un médecin avait administré une substance mortifère à la demande de sa mère, le juge d’instruction a rendu le 27 février 2006 une ordonnance de non-lieu en estimant que la mère et le médecin avaient agi sous l’emprise d’une contrainte les exonérant de toute responsabilité pénale. Selon la motivation de l’ordonnance, cette contrainte résidait dans la détermination à mourir manifestée par Vincent Humbert. C’est une ordonnance surprenante en matière pénale : la jurisprudence admet à titre exceptionnel la contrainte morale. Mais la contrainte morale ne joue aucun effet exonératoire en jurisprudence. Le juge d’instruction aurait pu parfaitement tirer de la loi nouvelle de 2005 un fait justificatif dans la mesure où le maintien sous machine de Vincent Humbert relevait de l’obstination déraisonnable.

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