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Modification ou révision d’un plan local d’urbanisme

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Modification ou révision d’un plan local d’urbanisme afin de permettre l’octroi d’un permis de construire nécessaire à l’implantation d’une installation classée soumise à autorisation

Des quelques décisions rendues par le juge administratif à propos de l’adaptation du plan local d’urbanisme – ou du plan d’occupation des sols lorsqu’il subsiste – afin de permettre l’octroi du permis de construire nécessaire à l’implantation d’une installation classée soumise à autorisation compatible, il ressort qu’elles peuvent se faire soit par une modification, au sens de l’article L. 123-13 C.Urb., soit par une révision, si les conditions d’une modification ne se trouvent pas réunies, sous réserve, dans les deux cas, que la procédure ne soit pas constitutive d’un détournement de pouvoir.

I. Sur les procédures d’adaptation des plans d’urbanisme

Le législateur a prévu trois procédures d’adaptation des plans d’urbanisme :

  • La modification ;
  • La révision ;
  • La révision simplifiée.

1. La modification des plans d’urbanisme

Aux termes de l’article L. 123-13 alinéa 2 du Code de l’urbanisme, la procédure de modification ne peut être qu’à la condition que « la modification envisagée :

a) Ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 123-1 ;
b) Ne réduise pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ;
c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance ».

a. L’atteinte à l’économie générale du plan

Un ajustement minime du plan d’urbanisme, tel le déclassement de la zone où doit être édifiée une installation classée, peut être conduit selon la procédure de modification, puisqu’il ne serait pas porté atteinte à l’économie générale du document d’urbanisme.
Il a ainsi été jugé que la réduction d’un emplacement réservé pour espaces verts de 21 000 à 15 500 m2 ne porte pas atteinte à l’économie générale du POS de Paris (CE, 8 janvier 1993, Association des riverains du Front de Sein Parc de Passy et autres, Petites Affiches, 29 mars 1993, n°38).
En revanche, constitue une atteinte à l’économie générale du plan la modification du POS consistant à créer au sein de la zone NC un secteur NCb dans lequel sont interdites les installations classées liées à l’activité agricole ainsi que les installations non classées liées à l’activité agricole qui, par leur situation, leur dimension ou leur exploitation sont de nature à gêner le voisinage, en raison de l’importance de l’activité agricole pour cette commune rurale et de la dimension du secteur concerné (CE, 2 décembre 1991, Commune de la Chaussée-Tirancourt, Dr. Adm. Janvier 1992, n°445-2). De même constitue une atteinte à l’économie générale du plan la modifïation du POS visant à créer au sein d’une zone boisée à protéger deux zones, l’une réservée à l’extension de l’habitat, la seconde aux constructions et lotissements à usage d’activité (CE, 29 juillet 1994, Bruguier, Dr. Adm., décembre 1994, n°445-3-2).

b. Les risques graves de nuisance

Et en raison de la vocation essentiellement industrielle des zones de réception d’installations classées, il ne saurait en outre être sérieusement soutenu qu’une telle modification comporterait de graves risques de nuisances au sens du c) du second alinéa de l’article L. 123-13 C.Urb. Cette réserve textuelle ne concerne en effet que les dispositions nouvelles permettant l’exercice d’activités industrielles ou commerciales dans des secteurs prélevés au sein de zones naturelles, se trouvant elles-mêmes situées à proximité d’un espace boisé classé ou à conserver (T.A. Limoges, 2 février 1989, Association de défense de Guéret Sud-Ouest c/ Commune de Guéret, RJE 2/1989, J. p. 197) ou de zones d’habitation (CE, 7 janvier 1991, Commune de la Rochefoucault c/ S.A. Sochater, Rec., p. 4, Dr. Adm. 1991, n°156, D. 1991, som., p. 259). Elle vise encore l’hypothèse d’une modification affectant un secteur entièrement compris dans une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (T.A. Nantes, 1er avril 1993, MM. Bouyer et Grandjouan, RJE /l994, J., p. 87).

Ainsi, la procédure de modification permet :

  • De grouper deux zones préexistantes (CE, 10 octobre 1990, Arnaud, Petites Affiches, 25 novembre 1991, p. 12) ;
  • D’altérer légèrement un zonage en vue de constructions réduites à la faveur d’un passage d’une zone NA en zone UE (CE, 31 octobre 1990, Association Les Amis de Saint Gervais du Mont d’Arbois et du Mont Joly, Petites Affiches, 4 novembre 1991, p. 10);
  • Le classement en zone UA de trois parcelles voisines (CE, 26 mai 1993, Consorts Borde, Juris-Data : n°1993-044407) ;
  • De rapprocher une usine du centre de l’agglomération (CE, 19 novembre 1997, Commune deDasle, Gaz. Pal. 1998, 2, pan. Dr. Adm., p. 161) ;
  • D’étendre et changer partiellement la destination d’une zone dans laquelle est située une activité industrielle sans créer de graves risques de nuisance (CE, 4 février 1998, Association de défense de l’environnement Disheim, RD imm. 1998, p. 232 ; BJDU 2/1998, p. 151);
  • La faculté d’extension d’une usine sur une faible superficie et dans une zone déjà à vocation industrielle (C.A.A. Paris, lere ch., 20 décembre 2001, Association pour la protection de la qualité de la vie à Goupillières, BJDU 3/2002, p. 228).

2. La révision des prescriptions d’urbanisme

Aux termes de l’article L. 123-13 du Code de l’urbanisme, « […] Dans les autres cas que ceux visés aux a, b et c, le plan local d’urbanisme peut faire l’objet d’une révision selon les modalités définies aux articles L.123-6 à L.123-12. »
La révision est donc nécessaire pour une atteinte à l’économie générale du plan, pour une atteinte à une zone boisée protégée (Ex : atteinte à une zone classée naturelle par le plan d’occupation des sols) et en cas de risques de nuisance (Ex : installation d’usines ou carrières dans une zone naturelle : CE, 7 janvier 1991, Commune de la Rochefoucault cl S.A. Sochater, précité, ou création d’une activité industrielle d’environ 10 hectare dans une zone classée NC : CE, 31 juillet 1996, Rialland, BJDU5/1996, p. 378, Gaz. Pal. 1997, 2, pan. Dr. Adm., p. 113).

Est ainsi entachée de nullité la délibération du conseil municipal approuvant la modification du plan d’occupation des sols pour permettre l’implantation d’un centre de stockage et de traitement de déchets ménagers, au motif que la modification apportée nécessitait une procédure de révision et non une simple modification du plan en raison des risques graves de nuisance (C.A.A. Nantes, 2eme chambre, 29 décembre 2000, Société Valt Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’environnement, B.D.E.I. 3/2001, J., p. 26). Les conditions de fond posées par le Code de l’Urbanisme semblent s’opposer au recours à la simple modification pour adapter le zonage et son règlement à l’implantation d’un projet industriel, même d’intérêt général. En effet, la modification du plan peut intervenir, mais à condition qu’il ne soit pas porté atteinte à son économie générale et que la modification ne concerne pas les espaces boisés classés ou ne comporte pas de graves risques de nuisance. Ainsi, une commune, entendant permettre la création d’un centre d’enfouissement technique de résidus urbains sur une zone de 24 hectares, alors que cette implantation n’était pas compatible avec le zonage institué par le plan d’occupation des sols existant, ne pouvait le faire par la procédure de modification (C.A.A. Marseille, 1er avril 2004, Syndicat Intercommunal de ramassage et traitement des ordures ménagères de la région d’Apt, RDE, 11/2004, J., p. 14).

D’une manière générale, le préfet comme le juge doivent refuser l’autorisation instruite en vertu du Code de l’environnement lorsque le zonage du plan s’avère hostile à l’implantation de l’activité industrielle.

3. La révision simplifiée

La loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 « urbanisme et habitat » a ouvert la possibilité de recourir à une procédure de révision simplifiée qui paraît taillée sur mesure pour l’implantation des ICPE non prévues au PLU. Ainsi, la révision simplifiée est applicable dès lors qu’est en cause « la réalisation d’une construction ou d’une opération, à caractère public ou privé, présentant un intérêt général notamment pour la commune ou toute autre collectivité : Aux termes de l’article L. 123-13 du Code de l’urbanisme, « Lorsque la révision a pour seul objet la réalisation d’une construction ou d’une opération, à caractère public ou privé, présentant un intérêt général notamment pour la commune ou toute autre collectivité ou lorsque la révision a pour objet la rectification d’une erreur matérielle, elle peut, à l’initiative du maire, être effectuée selon une procédure simplifiée. La révision simplifiée donne lieu à un examen conjoint des personnes publiques associées mentionnées à l’article L.123-9. […] Les dispositions du présent alinéa sont également applicables à un projet d’intérêt d’extension des zones constructibles qui ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développement durable et ne comporte pas de graves risques de nuisance. »

II. Sur le détournement de pouvoir

Reste à envisager si une modification voire une révision du plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme ayant pour unique finalité de favoriser le développement d’activités industrielles n’est pas susceptible d’être entaché de détournement de pouvoir.
Ce point ne semble pas sérieusement contestable dans la mesure où il a été jugé que la modification d’un plan d’occupation des sols ayant pour objet de régulariser la situation administrative d’une installation classée constituant « le complément nécessaire » d’une carrière existante répond à la fois à un motif d’intérêt général et à un motif d’urbanisme (CE, 7février 1986, Colombét, Rec., p.29, RDP 1986, p. 1161, concl. M. Dandelot, C.J.E.G. 1986, J., p. 448 et p. 434, chron. D. Delpriou, Dr. Adm. 1986, n° 192).
De même, ne constitue pas un détournement de pouvoir le classement en zone Ul de terrains sur lesquels existe de longue date un bâtiment industriel et que se trouvent à l’écart des parties habitées de la commune (CE, 22 mai 1992, M. Le Brun, Petites Affiches, 16 novembre 1992, n°138, p. 8).
De même, le simple transfert d’une parcelle d’une zone de classement INA destinée à l’urbanisation (habitat) en zone classée UY à vocation industrielle, afin d’y permettre l’extension d’une entreprise industrielle déjà implantée sur une parcelle voisine ne constitue pas un détournement de pouvoir (CE, 19 novembre 1997, Commune de Roquevaire, Rec., p. 1117).

En revanche, la solution est inverse lorsque la modification du plan d’occupation des sols a pour objet de favoriser la création d’une installation classée entièrement nouvelle, non rattachée à un établissement existant (C.A.A. Bordeaux, 25 février 1993, S.A. Frametal, AJDA 1993, p. 742 et p. 704, obs. J.C. B., Dr. Adm. 1993, n°346).
De même, la modification du zonage destinée à permettre la réalisation d’un projet ayant fait l’objet d’une décision de sursis à exécution par le juge constitue également un détournement de pouvoir : le classement en zone UB d’une parcelle qui était classée comme espace boisé à protéger par le plan d’occupation des sols est entaché de détournement de pouvoir, dès lors que cette modification apportée postérieurement à la délibération du conseil municipal décidant la mise en application anticipée du plan d’occupation des sols en cours de révision ne répondait à aucun motif d’urbanisme et n’avait d’autre objet que de permettre la réalisation d’un projet dont le permis de construire avait donné lieu à un jugement du tribunal administratif ordonnant qu’il soit sursis à statuer à son exécution (CE, 30 juillet 1997, Association de défense et de protection du site de Cordes, Rec., p. 313).
De même, l’arrêté du préfet qualifiant la zone d’implantation d’entrepôts de stockage de produits alimentaires frais, anciennement classée en « zone résidentielle urbaine », en « zone résidentielle urbaine ou suburbaine avec quelques atelier ou centre d’affaires ou avec des voies de trafic terrestre assez importantes » est entachée d’un détournement de pouvoir en ce qu’elle entraîne une majoration des niveaux limites de bruit admissible en limite de propriété, dans l’unique but de satisfaire les intérêts privés de la société exploitant un stockage de produits frais dans ladite zone (C.A.A. Marseille, 8 février 2001, S.A. Base Intermarché de Narbonne).
Constitue également un détournement de pouvoir la modification du PLU dans le seul but de faire obstacle à l’installation d’un incinérateur, installation classée soumise à autorisation, dans l’agglomération de Fos-sur-Mer (C.A.A. Marseille, ord., 15 décembre 2005, RDE, n°137, avril 2006, p. 98). Le détournement de pouvoir ne consiste pas ici en la poursuite d’un but lié à un intérêt privé, mais résulte de l’usage d’un pouvoir dans un but autre que celui pour lequel il a été confié à l’autorité administrative.

Le détournement de pouvoir est ainsi établi dans le cas où la modification du zonage ne répond qu’à la volonté de satisfaire un particulier (CE, 19 octobre 1998, Commune de Saint Gratien, Dr. Adm. 1988, n°549).
Mais il en va différemment si l’opération privée facilitée répond également à un intérêt général (CE, 28 septembre 1998, Commune de Pont-Ste-Marie, BJDU1998, p. 351). Le détournement est encore établi lorsque le nouveau zonage répond à la seule volonté de régulariser une opération d’urbanisme invalidée par le juge administratif en raison de l’incompatibilité avec le zonage initial (CE, 5 février 1993, SCI du Lac de Fabrèges).

Il est à rappeler que, selon la Cour administrative d’appel de Paris, les auteurs d’un plan d’occupation des sols ne sont pas liés pour déterminer l’affectation future des différentes zones qu’ils définissent par les modalités existantes d’utilisation des sols dont ils peuvent prévoir la modification dans l’intérêt de l’urbanisme et qu’ils peuvent légalement classer en zone naturelle où la construction est limitée ou interdite, et où est prohibée toute implantation d’une nouvelle installation classée, des secteurs sur lesquels sont déjà construites des installations classées dans le but, dans le cadre d’un parti d’aménagement, d’exclure pour l’avenir leur développement sur le même site (C.A.A. Paris, 27 janvier 2004, Société routière de l’Est parisien, RDE n°8-9/2004, J., p. 15).

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