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La prise en considération récente de principes environnementaux en droit de l’urbanisme

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L’introduction de considérations environnementales dans le droit de l’urbanisme date de la loi SRU, qui introduit dans le Code de l’Urbanisme l’article L. 121-1, qui pose les principes généraux du droit de l’environnement.

L’article L. 121-1 est opposable aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d’urbanisme, aux cartes communales et aux directives territoriales d’aménagement. Il ne sera pas opposable aux autres documents, tel l’acte de création d’une zone d’aménagement concerté (par contre il sera opposable aux documents d’urbanisme prévoyant la création d’une ZAC).
On ne pourra pas attaquer un permis de construire sur le fondement de l’article L. 121-1, mais on pourra attaquer le document d’urbanisme par voie d’exception, en ce qu’il est contraire à l’article L. 121-1.

Ces principes ne sont pas des obligations de résultat, ce sont seulement des obligations de moyens. Les documents d’urbanisme doivent seulement prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs.

L’article L. 121-1 pose trois principes : « Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer :

  • « L’équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural, d’une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d’autre part, en respectant les objectifs du développement durable ; »
Ce premier principe reprend l’article L. 121-10 ancien d’équilibre avec un principe nouveau : le développement durable. Le développement durable est une forme de développement qui, pour préserver les besoins des générations futures, assure la préservation de l’environnement et le progrès et la cohésion sociale. Le principe de développement durable ne condamne pas le développement, mais qui pour être soutenable devra opter pour des formes nouvelles, peu consommatrices d’énergie, de sol, respectueuses de l’environnement et prenant en compte la dimension sociale. On met en évidence le renouvellement urbain, qui rentre bien dans la théorie du développement urbain.

  • « 2º La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l’habitat urbain et dans l’habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d’habitat, d’activités économiques, notamment commerciales, d’activités sportives ou culturelles et d’intérêt général ainsi que d’équipements publics, en tenant compte en particulier de l’équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ; »
Il y a une accumulation d’objectifs. On retrouve les éléments du développement durable. C’est le texte qui fonde une évolution du motif d’urbanisme, qui aujourd’hui peut inclure une dimension sociale. C’est dans cet objectif que la loi ENL du 13 juillet 2006 prévoit que l’on pourra introduire des règles différenciées selon qu’on réalise des programmes de logements sociaux ou non. La dimension sociale du logement est prise en compte. C’est nouveau, car un logement est avant tout une construction et le caractère social ne résulte que des personnes qui l’habiteront. On fait rentrer dans les objectifs d’urbanisme la mixité sociale, la mixité économique. Aujourd’hui, on peut instituer des règles différenciées visant à favoriser certaines activités économiques. On affiche le principe de diversité urbaine. Dans les règles d’urbanisme, on peut désormais exclure de l’urbanisation des secteurs non desservis par les transports. Il y a un lien entre habitat et transport.
  • « 3º Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature. »
C’est un principe de préservation de l’environnement. C’est une définition sous forme énumérative de l’environnement. Cela veut dire qu’un document d’urbanisme doit préserver l’environnement. Les procédures instituées en 2005 et 2006 visent à protéger l’environnement (Ex : évaluation environnementale). Traditionnellement, les matières extra immobilières ne faisaient pas partie des objectifs d’urbanisme. Désormais, la réglementation d’urbanisme peut intervenir dans la réglementation de police de la circulation automobile. Ex : les plans de déplacement urbain sont opposables aux arrêtés de police municipale. Ils doivent désormais respecter les schémas de cohérence territoriale.

« Les dispositions des 1º à 3º sont applicables aux directives territoriales d’aménagement visées à l’article L. 111-1-1. »

Ce qui est nouveau c’est que les principes généraux du droit de l’environnement vont également devenir opposables, non pas simplement aux documents d’urbanisme, mais aussi aux autorisations d’urbanisme.

Il y a toute une série de principes généraux du droit de l’environnement (précaution, prévention, participation) à l’article L. 110-1 C.Envi. :
« I. – Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
II. – Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
1º Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ;
2º Le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;
3º Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;
4º Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. »

Depuis que ce texte existe, les requérants essaient de les opposer aux décisions d’urbanisme.
Le Conseil d’Etat avait pris une position assez strict dans un arrêt CE, 20 avril 2005, Bouygues Telecom.
L’implantation d’une antenne relais de téléphonie mobile sur le territoire d’une commune est bien souvent source d’inquiétude pour les potentiels riverains. Il y a un risque pour la santé fondé sur le principe de précaution, à l’égard des riverains. Un mode d’opposition consiste, pour les particuliers et associations, à contester la légalité des décisions d’urbanisme autorisant leur implantation devant le juge administratif.
Ces recours sont traditionnellement fondés sur des dispositions du Code de l’urbanisme. L’originalité de l’espèce réside dans le fait que la Cour administrative d’appel de Marseille avait accepté d’annuler l’arrêté portant non opposition à déclaration de travaux relatifs à l’implantation d’une antenne de radiotéléphonie, sur le fondement du principe de précaution inscrit à l’article L. 110-1 C.Envi.
Par cet arrêt, la Cour d’appel rompait avec une jurisprudence constante appliquant la théorie dite d’indépendance des législations selon laquelle on ne peut invoquer, sauf exception expresse résultant d’un texte, contre une autorisation de construire que la violation des règles d’urbanisme (CE, 1er juillet 1959).
Fort de cette jurisprudence, l’opérateur de téléphonie mobile forme un pourvoi près le Conseil d’Etat. Celui-ci censure l’arrêt rendu en appel au motif que « ces dispositions [le principe de précaution] ne sont pas au nombre de celles que doit prendre en compte l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme ». Il y a indépendance des législations, ce qui est la position traditionnelle du juge administratif.
Par cette décision, le Conseil d’Etat décide de s’en tenir à sa jurisprudence traditionnelle.

Toutefois, on relèvera que dans cette affaire les faits sont antérieurs à l’adoption de la Charte de l’environnement adoptée par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, dont l’article 5 pose le principe de précaution. Or, l’élévation au niveau constitutionnel du principe de précaution pourrait très bien engendrer un renversement dans la hiérarchie entre les principes et ainsi faire primer le principe de précaution sur celui d’indépendance des législations.

Le principe d’indépendance des législations n’est plus opposable, en raison de la constitutionnalisation des principes généraux du droit de l’environnement. La question est alors de savoir quelles seront les conséquences en matière d’urbanisme.
Le principe de précaution ne s’applique qu’aux phénomènes sur lesquels il y a des doutes scientifiques (Ex : lignes à haute tension). Mais la plupart des activités qui entrent dans le champ d’application du principe de précaution ne sont pas pris en compte par le droit de l’urbanisme (Ex : les OGM). Il y a donc peu de marges pour l’application du principe de précaution en droit de l’urbanisme.

Pour les autres principes, le Conseil d’Etat vient de préciser les limites de leur champ d’application. CE, 6 avril 206, ligue pour la protection des oiseaux et CE, 19 juin 2006, association eaux et rivières de Bretagne. Dans ces arrêts, le Conseil rappelle que le principe de précaution est directement applicable. Il vise la Charte. Pour les autres principes (prévention, participation), il décide que, si le législateur est intervenu dans ce domaine, la loi fait écran avec la Charte. Les nouveaux principes posés par la Charte sont des principes constitutionnels, dont la Charte dit expressément qu’ils sont mis en œuvre dans les conditions fixées par la loi.
Ex : pour le principe de participation, tous les documents d’urbanisme sont déjà soumis à enquête publique.

La Charte de l’environnement ne devrait donc pas avoir des effets considérables sur le droit de l’urbanisme. Il faut faire attention cependant, car en première instance, le juge administratif n’hésite pas à faire application de ces articles. Il n’est pas sûr que le Conseil d’Etat rendrait une décision dans le même sens.

CE, 19 juin 2006, association eaux et rivières de Bretagne : « Considérant que lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en œuvre des principes énoncés par la Charte, la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s’agissant de dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte. »

Qu’en est-il des dispositions antérieures qui ne respectent pas les dispositions de la Charte ? Le juge devrait écarter la théorie de la loi-écran et considérer que ces dispositions ont été implicitement abrogées.
Dans l’hypothèse où la loi est muette, il devrait appliquer les principes qui résultent de la Charte pour éviter que la carence du législateur rendent purement et simplement inopposable la Charte.

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