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Caducité d’un arrêté d’autorisation d’installation classée pour la protection de l’environnement : délai et mode de calcul

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1. Le délai de péremption

Selon les dispositions de l’article 24 du décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 modifiées par l’article 1er du décret n°94-484 du 9 juin 1994 (JORF 12 juin 1994), « l’arrêté d’autorisation cesse de produire effet lorsque l’installation classée n’a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n’a pas été exploitée durant deux années consécutives, sauf le cas de force majeure. »

Ainsi, sauf cas de force majeure susceptible d’interrompre le délai de caducité de l’autorisation d’exploiter, l’autorisation tombe de plein droit dès lors qu’il y a défaut de mise en service dans un délai de trois ans.
S’il en est ainsi, l’arrêté d’exploiter étant frappé de caducité, le pétitionnaire ne peut plus ouvrir son installation et doit, en conséquence, se soumettre à nouveau à une procédure complète d’autorisation.

2. Le point de départ du délai de péremption

Le délai de péremption commence à courir à compter de la notification de l’autorisation à l’exploitant (CE, 1er fév. 1985, req n°41.634 et 41.900, Commune d’Ons-en-Bray).

3. L’édiction de prescriptions complémentaires proroge-t-elle le délai de péremption ?

Le juge des installations classées peut, si les éléments du dossier le lui permettent, substituer sa propre appréciation et sa propre décision à celles de l’administration. Il peut ainsi confirmer l’autorisation tout en modifiant les prescriptions techniques dont elle est assortie (CAA Nancy, 17 octobre 1991, n°s 89NC01558, 89NC01559 et 90NC00024).
Les dispositions des l’article L. 514-6 du code de l’environnement permettent ainsi au juge « de substituer sa propre décision à celle qui est contestée, sous réserve du respect des mêmes règles de procédure exigées du préfet » (TA Clermont-Ferrand, 20 juin 2000, n° 0000438, M. Pierre Giraud c/ Préfet du Puy-de-Dôme). « Le juge administratif peut prescrire toutes mesures de nature à assurer la préservation de l’environnement » (TA Lille, 3 avril 2003, SARL Eureponge).
Ainsi, le juge peut apporter des prescriptions techniques ou de fonctionnement complémentaires, dans la mesure où ces prescriptions complémentaires n’entraînent pas de modifications notables dans les conditions d’exploitation de l’installation (ce qui nécessiterait alors une nouvelle procédure d’autorisation soumise à enquête publique).

Or en matière d’arrêté préfectoral, il existe une incertitude juridique sur la computation du délai de péremption en cas de suspension de l’autorisation à la réalisation de certaines conditions. C’est en réalité le point de départ du délai de péremption qui n’est pas clairement fixé.
Alors que dans son jugement du 18 avril 2000 (req n° 97.805, Etablissement Gauban) le tribunal administratif de Bordeaux retient comme date de départ du délai le jour de la réalisation de la condition posée par l’arrêté d’autorisation, la cour administrative d’appel de Paris retient la date de la notification de l’arrêté d’autorisation (CAA Paris, 11 avr. 2000, req n° 96PA02134, Sté Nabrin).

A supposer que cette jurisprudence puisse être transposée en matière de prescriptions complémentaires judiciaires, il existe donc un risque juridique, s’il est jugé que le point de départ du délai reste la date de notification de l’autorisation initiale.

4. La notion de défaut de mise en service

Il existe peu de jurisprudence sur la notion de défaut de mise en service, et cette jurisprudence concerne essentiellement des autorisations d’exploitation de carrières ou de décharges, exploitations qui en règle générale ne nécessitent pas la réalisation d’ouvrages ou équipements soumis à permis de construire.

Selon cette jurisprudence, « Seul un défaut total d’exploitation ou, le cas échéant, la réalisation de travaux dans le seul but de contourner les articles 24 et 32 sont de nature à emporter la caducité de l’autorisation » (CE, 17 mai 2002, req n° 235.062 et 235.290, Sté Entreprise Jean Lefebvre Centre pays de Loire c/ Min. Aménagement du territoire et de l’environnement rendu à propos d’une autorisation de carrière).
Il ressort d’un autre arrêt du Conseil d’Etat, statuant également à propos d’une autorisation de carrière, que lorsque aucune activité n’existe sur le site et que les différentes mesures prescrites à l’exploitant par l’arrêté préfectoral, préalablement à toute exploitation de la carrière n’ont pas été entreprises dans le délai de trois ans, le juge considère que l’exploitation n’a pas été mise en service (CE, 20 juin 1997, req n° 135.077, Assoc. de défense de l’environnement de Gonfaron). A contrario, la réalisation des prescriptions préalables à toute exploitation dans un délai de trois ans devrait suffire à faire tomber le délai de péremption. Mais il faut être prudent sur une telle interprétation, qui n’est pas expressément admise par le Conseil d’Etat et qui ne se déduit qu’a contrario.
En tout état de cause, il semble donc incertain de soutenir que la réalisation de travaux d’investigation (tels piquetage ou carottage), préalables à la réalisation des équipements nécessaires à l’exploitation de l’activité soumise à autorisation, soit suffisant pour faire échapper l’arrêté d’autorisation au constat de sa caducité.

Reste à savoir si la jurisprudence applicable en matière de carrières est transposable aux installations classées soumises à autorisation nécessitant la réalisation d’équipements ou ouvrages soumis à permis de construire. Il semble ressortir de la jurisprudence des carrières que ce qui importe soit le démarrage effectif de l’exploitation, même partiel.
Sur ce point, on peut citer un jugement rendu en matière de traitement des déchets, impliquant la réalisation d’une plate-forme de tri recyclage : cet arrêt dispose que l’autorisation n’ayant pas été suivie dans le délai de trois ans d’une admission de déchets, et le niveau d’aménagement du site ne permettant pas, à cette même date, d’exploiter une activité de tri, l’autorisation doit être considérée comme caduque (TA Poitiers, 25 juin 1998, n°96.736, Sté France déchets c/ Préfet des Deux-Sèvres).
De simples travaux d’aménagement ne semblent donc pas suffire à constater l’absence de caducité, dans la mesure où ils ne permettent pas d’exploiter l’activité soumise à autorisation.

On pourrait ici opposer qu’il faut avoir une conception restrictive de la notion de caducité, comme le relève le commissaire du gouvernement Yann Aguila, dans ses conclusions suivies par le Conseil d’Etat (CE, 27 septembre 2006, req. n° 269.553 : Petites Affiches, n°243, p. 19, concl. Aguila) : « La caducité, parce qu’elle porte atteinte à la sécurité juridique, ne doit intervenir que pour des faits objectifs, clairs et indiscutables. L’événement déclencheur d’une caducité ne peut pas laisser place à appréciation. »
Ces conclusions doivent cependant être maniées avec précaution car l’affaire concernait une décharge, installation qui est, par nature, exploitée par tranches. Il est donc courant qu’une partie de l’assiette foncière soumise à autorisation ne soit pas exploitée aux fins de stockage de déchets dans les trois ans suivant la notification de l’arrêté d’autorisation.

Ainsi, en matière d’installations nécessitant la réalisation d’aménagements ou ouvrages soumis à permis de construire, si la notion de caducité doit être interprétée de façon stricte, encore faut-il qu’il y ait un commencement d’exploitation sur le site soumis à autorisation.

En conséquence, il semble bien que le juge apprécie l’absence totale d’exploitation, et non l’existence ou non d’aménagements sur le site ou de travaux préalables, dès lors que ceux-ci ne permettent pas d’exploiter l’activité soumise à autorisation.

5. L’interruption du délai de péremption

Seul un cas de force majeure peut interrompre le délai de péremption (article 24 du décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 modifié par l’article 1er du décret n°94-484 du 9 juin 1994).

La notion de force majeure et ses effets sont appréciés par le juge en cas de litige. Il examinera si l’évènement invoqué présente les trois caractères exigés par la jurisprudence traditionnelle, i.e. l’extériorité par rapport à l’exploitant, l’imprévisibilité dans sa survenance et l’irrésistibilité dans ses effets.
Le juge administratif se montre rigoureux dans l’appréciation qu’il fait des évènements constitutifs de la force majeure.

Ainsi, la seule circonstance que l’autorisation a fait l’objet d’un recours en annulation n’est pas de nature à affecter le délai de caducité (Cass. Crim., 2 juin 2004, n°03-85.615 : à propos du défaut d’exploitation pendant plus de deux ans, mais le considérant est rédigé en des termes suffisants généraux pour être transposés au cas de péremption pour défaut de mise en service : « alors que le recours en annulation d’une autorisation administrative n’a pas d’effet suspensif sur l’acte attaqué »).

Selon une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, l’autorisation d’installation classée, et le permis de construire sont « accordés en vertu de législations distinctes, suivant des procédures indépendantes » (CE, 21 décembre 1983, n° 19950, M. Pardon). Il en résulte que l’arrêté préfectoral portant autorisation d’installation classée n’emporte pas obligation de délivrance d’un permis de construire. Inversement, le refus de délivrance d’un permis de construire ne saurait constituer une cause de suspension du délai de péremption de l’autorisation d’installation classée, pas plus qu’elle ne saurait constituer un cas de force majeure (en raison du manque d’externalité comme du manque d’imprévisibilité de cet événement).

6. L’impossibilité de prorogation du délai de péremption

En tout état de cause, il convient de rappeler que le préfet n’a pas le pouvoir de proroger par arrêté individuel le délai de trois ans prévu à l’article 24 du décret du 21 septembre 1977 (CE, 8 mars 1985, n° 33.907 et 33.928, Saclier, Julien).

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