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Constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort : débats et enjeux juridiques

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« La constitutionnalisation de l’interdiction […] marque le refus absolu de la peine de mort : il n’y aura plus de justice qui tue au nom du peuple français. » (Extrait de l’intervention de Robert Badinter, rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort, en séance publique du Sénat du 7 février 2007)

Le projet contient un article unique stipulant que la formule « nul ne peut être condamné à la peine de mort » doit être inséré dans la Constitution dans son article 66.
Cette modification de la Constitution rendra possible la ratification du deuxième protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques de la Convention de New York du 15 octobre 1989 portant, entre autre, abolition de la peine de mort.
En effet, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 13 octobre 2005, avait fait de cette modification constitutionnelle une condition indispensable à cette ratification.

Au-delà du geste politique, il faut s’interroger sur la portée de la disposition réformant la Constitution.
Le président de la République avait saisi le Conseil constitutionnel de deux projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales ayant l’une et l’autre pour objet l’abolition de la peine de mort (le protocole n°13 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques de la Convention de New York du 15 octobre 1989). Bien qu’ayant pour objet d’abolir la peine de mort en toutes circonstances, celles-ci ne soulevaient pas du point de vue de leur constitutionnalité la même question.

La portée de la loi du 9 octobre 1981 résulte de son article 3 qui dispose : « Dans tous les textes en vigueur prévoyant que la peine de mort est encourue, la référence à cette peine est remplacée par… ». L’abolition est donc générale.
Elle s’applique à tous les textes en vigueur sans distinguer entre le temps de guerre et le temps de paix, ni selon le caractère des circonstances. La modification constitutionnelle ne modifiera donc en rien notre droit positif mais et, c’est là tout l’objet de la réforme, il fallait, préalablement à la ratification du protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques, modifier notre ordre juridique. Car celui-ci pose une question d’ordre constitutionnel redoutable qui tient à la nature de l’engagement auquel la France souscrit. S’il est possible, en effet, à la France de se retirer de la CESDH, en revanche, il n’est pas possible, juridiquement du moins, de se retirer du pacte de New York comme d’aucun traité onusien. Dès lors, se pose une question de souveraineté nationale : signer le traité reviendrait à engager « irrévocablement » la France et serait contraire aux dispositions du préambule de la Constitution de 1946 dont le 15e alinéa n’autorise que de manière restrictive les atteintes à la souveraineté nationale dans le but d’organiser et de défendre la paix.

Examinant la ratification de ce traité, le Conseil constitutionnel ne pouvait donc que conditionner sa ratification à une élévation au rang constitutionnel, supérieur au traité, d’une disposition abolissant la peine de mort.
Dans leur décision du 13 octobre 2005, les membres du Conseil Constitutionnel auraient pu faire évoluer leur jurisprudence et reconnaître à la loi du 9 octobre 1981 le statut de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (les fameux PFRLR). Ses dispositions auraient ainsi été intégrées au bloc de constitutionnalité. Sans doute, le Conseil y a-t-il trouvé plus d’inconvénients que d’avantages.

La réforme constitutionnelle proposée au Conseil des ministres la semaine prochaine tend donc à opérer cette constitutionnalisation de l’interdiction de la peine de mort nécessaire à la ratification du protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Mais la signature du protocole engage la France au-delà même de la durée de vie de la Constitution du 4 octobre 1958. Le législateur s’apprête à introduire dans la Constitution une norme de droit positif qui même lors d’un changement de régime, tant que la France restera membre de l’ONU, s’imposera au pouvoir constituant, c’est-à-dire au peuple souverain. Cette réforme conduit in fine à remettre en cause la souveraineté nationale interne la plus classique, celle qui fait du peuple souverain la source de la légalité fût-elle constitutionnelle.

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